Une cicatrice sur le coeur

Parmi les hypothèses que j'évoquais dans mon dernier article sur Kherson, la pire, c'est a dire le retrait des forces russes de Kherson a été choisie par le général Sourovikine, ce 9 novembre 2022. 

Mais ce général d'experience arrivé depuis 1 mois avait-il vraiment le choix ? 

Malheureusement il semble que non. Car Sourovikine a hérité des fruits pourris de cette  stratégie du "trop peu trop tard" qui caractérise de mars à octobre ces "opérations spéciales" russes en Ukraine...

Ce retrait probable des forces russes de leur tête de pont sur la rive droite au Nord de l'embouchure du Dniepr flottait dans l'air de plus en plus lourdement depuis quelques jours et les optimistes dont je suis avaient du mal à lui accorder de la crédibilité, tout en l'évoquant dans sa dimension catastrophique.

Voici ma réaction. "à chaud" publiée sur mon canal Telegram où je m'efforce d'informer tout au long de la journée des événements liés à ce conflit.

MERDE !

L'Etat-Major russe vient d'annoncer l'abandon imminent de Kherson ! 

SOUROVIKINE : "En raison des bombardements constants, Kherson et les colonies adjacentes ne peuvent pas être approvisionnées et fonctionner, la vie des gens est constamment en danger — L'option la plus rapide est d'organiser la défense le long de la ligne de démarcation du Dniepr — La décision de défendre sur la rive gauche du Le Dniepr n'est pas une tâche facile, en même temps, nous maintiendrons la vie de nos militaires et l'efficacité au combat du groupement de troupes . - La manœuvre sera effectuée dans un avenir proche"

CHOÏGOU : "Je suis d'accord avec vos conclusions et propositions. Procéder au retrait des troupes."

C'est le résultat de cette stratégie du "trop peu trop tard" que je dénonce depuis mars 2022.

1/ Retrait de Kiev, Tchernigov, Soumy...

2/ Défaite à Balaklaïa

3 / Retrait d'Izioum et Koupiansk

4 / Défaite à Krasni Liman 

5 / Et là, retrait de Kherson !

Des dents vont grincer et parler de trahison !

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Je ne reviendrai pas ici sur les réactions passionnelles en avalanche qui ont fusé sur les réseaux à l'annonce du retrait de Kherson. Toutes ces réactions, que je salue, depuis celles qui défendent aveuglément le fantasme d'une stratégie russe sans faille à celles qui versent dans un fatalisme sombre et défaitiste, démontrent l'intérêt et une prise de conscience lucide des enjeux et des menaces que ce conflit fait peser sur l'Europe et même le Monde.

Pendant cette nuit blanche passée à mon poste à surveiller un horizon grondant dans les premiers frimas de l'hiver, je n'ai pas cessé de ressasser ce choc majeur que constitue le retrait de Kherson:

Kherson est le chef lieu administratif cette région éponyme située au Nord de la Crimée et le seul centre régional à avoir été libéré par l'armée russe dès le 2 mars 2022 soit 1 semaine seulement après le commencement des opérations militaires en Ukraine.

Voyons pour commencer les réactions de 2 hommes qui sont connus pour ne pas garder leur langue dans leur poché :

SUR LE RETRAIT DE KHERSON:

Tout d'abord Yevgeny Prigozhin, le patron de Wagner, a commenté la décision du retrait des troupes russes de Kherson

« Ni moi ni les groupes Wagner à Kherson ne se sont rendus. Bien sûr, ce n'est pas une étape victorieuse dans cette guerre, mais il est important de ne pas agoniser, de ne pas se battre dans la paranoïa, mais de tirer des conclusions et de travailler sur les erreurs. Et ensuite comprendre qui a raison, qui a tort et quelle est l'essence du problème.

Sourovikine doit retirer ses troupes et sauver des milliers de soldats qui sont en fait encerclés sur le territoire ennemi, qui est complètement coupé des voies d'approvisionnement. Qui et pourquoi a donné des instructions pour prendre cette position est une autre question.

La décision prise par Sourovikine n'est pas facile, mais il a agi comme un homme qui n'a pas peur des responsabilités. Il l'a fait de manière organisée, sans crainte, prenant sur lui l'entièreté de la prise de décision.

Je tiens à souligner que l'opération de retrait des troupes est toujours extrêmement difficile. Tourner le dos à l'ennemi est impossible pour quitter la position.

Le retrait des troupes avec des pertes minimes est la plus grande réussite de Sourovikine, il ne fait pas honneur aux armes russes, mais met l'accent sur les qualités personnelles du commandant.

Lorsque Sourovikine a été nommé à ce poste, il a parfaitement compris ce qui se passerait en octobre-novembre et savait parfaitement quelles seraient les étapes à venir."

Ensuite, le Président de la Republique de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, qui a également soutenu la décision du général Sourovikine de retirer les troupes de Kherson:

«Kherson est une zone très difficile sans la possibilité d'un approvisionnement régulier et stable en munitions et la formation d'un arrière solide et fiable. Pourquoi cela n'a-t-il pas été fait dès les premiers jours de l'opération spéciale ? C'est une autre question.

Mais dans cette situation difficile, le général a agi avec sagesse et clairvoyance - il a évacué la population civile et a ordonné un regroupement"

Ceci dit, ce retrait reste une cicatrice au cœur que l'Etat Major devra rapidement soigner car: 

Kherson est un symbole politique 

Cette ville de près de 300 000 habitants est aussi un symbole de l'histoire et l'identité russes de cette rive septentrionale de la Mer Noire. Fondée en 1778 par le prince Potemkine sous l'égide de l'impératrice Catherine II, cette ville devient le centre administratif et culturel de la Novorossiya abritant également les chantiers navals d'où sortira la première flotte russe de la Mer Noire, basée à Sébastopol. Potemkine sera d'ailleurs inhumé en sa cathédrale apres sa mort.

 Kherson est un point stratégique 

Située sur la rive droite du Dnieor et à proximité de son embouchure, cette ville est essentielle pour protéger les accès continentaux vers la Crimée, mais aussi organiser des offensives en direction de Nikolaïev puis Odessa ainsi que vers Krivoï Rog, 

Enfin il ne faut pas oublier que Kherson est indissociable des rares franchissements existant par dessus le Dniepr dans ce secteur 2 routiers et 1 ferroviaire), et du barrage hydroélectrique de Kakhovka d'où part également le canal de Crimée alimentant la péninsule russe en eau potable. 


Pourquoi cette humiliation

Appelons un chat un chat et une défaite, même anticipée par un retrait volontaire, une defaite. Mais au lendemain des discours patriotiques célébrant le rattachement référendaire de cette région à sa Mère Patrie, son abandon est même ressenti par beaucoup comme une humiliation, et à juste titre.

Je pense qu'avec Kherson, la Russie paie le prix fort de la demi mesure de sa stratégie que j'ai résumé depuis mars à ce "trop peu, trop tard", auquel se rajoutent les inevirables dysfonctionnements et impérities  d'un commandement (englué dans une rigidité proceduriale) déouvrant les modes opératoires d'un nouveau type de conflit pour lequel les forces ukro-atlantistes se préparaient depuis 8 ans. 

Pour rester sur ce front de Kherson, le retrait auquel nous assistons était prévisible du moment où les forces russes n'avançait plus au milieu d'une steppe ressemblant à un champ de tir sans localités ou coupure naturelle pour y solidifier une vraie défense. 

La fragilité de cette tête de pont russe était prévisible dès mars, lorsque les colonnes russes, trop peu nombreuses avait échoué à prendre le contrôle de Nikolaïev en traversant, plus en amont le Boug Méridional sur laquelle cette ville est posée comme un verrou sur la route vers Odessa. Non seulement Nikolaïev est resté sous le contrôle des forces ukro-atlantistes mais elle est devenue la base arrière de toutes leurs offensives sur Kherson commencées fin août 2022.

Par manque d'effectifs, l'Etat Major russe en concentrant ses moyens offensifs sir le Donbasd a pris le risque de laisser pourrir les situations bancales des fronts Nord et Sud. Et devant les difficultés à progresser dans le Donbass cesx2 fronts latéraux ont fini par céder, d'abord dans le Nord en septembre, puis en octobre dans le Sud. Et avant que n'arrivent les renforts des mobilisés appelés trop tardivement  pour compter les brèches.

Et maintenant ?

Alors que les pluies embourbaient les offensives ukro-atlantistes, que les forces russes leur infligeaient des pertes de plus en plus lourdes, le général Sourovikine a suand même décidé du rerait de la rive droite du Dniepr, donc de Kherson. 

Il est clair qu'il y a derrière cette "décision difficiles" pour reprendre mes termes du Chef d'Etat Major des ordres politiques s'inscrivant certainement dans le cadre d'accords "secrets" entre Moscou et Washington, et qui vraisemblablement ne dureront que le temps du dépouillement des votes du Midterm étasunien

Sur le front, nous entrons dans la période boueuse et, à part dans les villes, peu de mouvements operatifs sont à attendre avant l'arrivée du général Hiver "durcissant la steppe devant les pas des chevaux"

Pendant cette période, le général Sourovikine réorganiser ses corps de bataille qui seront alors renforcés par les renforts arrivant pour, je l'espère de tous mes vœux lancer cette offensive d'hiver dont les russes ont le secret, libérer ma totalité du Donbasd et reprendre Kherson jusqu'à Odessa, sans ou lier Karkhov...

Mais  ne faudra pas trop tarder car le temps profite aussi à l'ennemi et la cicatrice sur le cœur saigne.

Erwan Castel



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